Il est connu que, dans la vie, au sport comme ailleurs, mieux
vaut être seul que mal accompagné.
Soit.
Mais mieux vaut être bien accompagné que seul.
Il y a chez les voileux cet instinct de tribu, cette soif et
ce plaisir inaltérable de se retrouver entre nous, sur un bateau, en régate au
sein d’un équipage ou au bar à la remise des prix. Ce plaisir aussi, de
s’engueuler pour rien, ou pour se rabibocher avec une bière.
Comme chaque tribu, il y a les codes, dictés par notre mode
de vie. Les vêtements, d’abord, avec les vestes de quart colorées, les bottes
de mer ou les Docksides, les lunettes de soleil aux marques spécifiques… et
j’en passe.
Le langage aussi, tellement hermétique aux non-initiés.
Tellement ancré en nous qu’on ne comprend pas qu’on ne puisse comprendre. Qu’on
entende un Moldu parler de corde sur un bateau, et vous verrez la très longue
liste de noms que l’on peut donner à nos chers bouts de ficelle.
Voilà donc, nous sommes une famille, fermée, obtuse, dans
laquelle on entre comme en religion.
Et dans ce monde se créent des équipages. Ephémères ou
réguliers, ces petites familles sont des microcosmes dont les amibes tendent
toutes au même but : faire avancer une coque avec des voiles, si possible
plus vite que le voisin, cet autre microcosme importun qui ose tenter de voler
notre vent.
Cette notion d’échange, de partage, d’engueulades,
d’amitiés, de but commun, de tournées de bières, de paradis sur terre qui est
sur l’eau, est pour moi l’essence même de la voile. Même les marins solitaires
vivent en meute. Dans leur équipe, pour préparer leur escapade, puis entre eux,
par les moyens modernes lorsqu’ils sont loin de nous. Quand bien même ils ne
pourraient se parler, ils savent. Ils savent qu’ils vivent leur rêve entourés
d’autres rêveurs.
Et puis il y a la VRC.
Cette discipline ne nécessite pas d’amis. Pas non plus
d’équipiers. Ni même de confrères.
Non, franchement, c’est probablement le support en voile le
plus égoïste que je connaisse, du moins dans son accession. Vous pouvez être le
pire des sociopathes, limite psychopathe, que vous pourriez avoir un IOM, et
naviguer de temps à autre. Pas besoin de club, de mise à l’eau, pas de voisin
de ponton, toute notion de fraternité peut être mise de coté.
Mais pourquoi donc aborder le sujet ici ?
Si naviguer seul et parfaitement possible, évoluer et
grandir passe par les autres.
L’acceptation même dans la classe passe par les autres.
Evidemment, vous pourrez acheter un IOM, évidemment vous
pourrez naviguer, évidemment vous pourrez être présent aux grandes régates…
mais où sera le plaisir ?
La VRC, c’est la
régate, c’est les navigations entre copains. Parce que si en grandeur, vous
aimez la solitude, le plaisir de naviguer et le bonheur de vous barrer loin de
tout le monde, la VRC ne vous emportera pas loin.
Comment vivrez-vous toutes les heures passées côte à côte
sur les podiums si personne ne vous supporte, si vous ne pouvez échanger, si votre
attitude vous est reprochée à chaque mouvement ?
La VRC est un sport mental. Se poser de telles limitations
dès le départ vous porte immédiatement vers la sortie.
De l’importance donc, d’avoir des copains. Parce que se
faire des centaines de bornes pour aller naviguer sur des plans d’eaux paumés,
seul, en hiver, en sachant que personne ne vous attend et ne vous parlera,
c’est une forme de sadomasochisme qui n’apparaît même pas dans les petits
manuels de Barbie, Klaus de son prénom.
Adopter la famille, et la famille vous adoptera. Soit dit en
passant, elle est bien plus accueillante et facile à pénétrer que d’autres,
alors avec un tant soit peu d’humanité basique, vous devriez vous en sortir,
promis.
Bon, passons les bonjours, et les premières rencontres,
Bravo ! Vous êtes IOMiste !
Vous achetez un bateau, vous courrez les régates, dans tous
les sens du terme, et…
Et vous vous ennuyez durant les kilomètres, et vous aimeriez
progresser, mais vous n’avez personne avec qui vous entrainer …
De l’importance de l’équipe (enfin)
J’ai eu la chance, il y a quelques années maintenant, de
rencontrer mon mentor, mon coach, mon gourou, mon moteur, ma joie de vivre et
mon modèle de vie (j’ai cependant l’obligation de placer cette tirade à chaque
mention de Sa Personne).
Il était seul depuis un moment à faire briller les couleurs
de notre Club.
Durant notre première année, nous nous sommes apprivoisés,
j’ai énormément appris grâce à lui, et j’ai vite progressé. Motivé, j’ai calqué
mon rythme de régates sur le sien. Nous avons donc pu établir des calendriers,
placer des entraînements, prévoir des déplacements.
Nous avons aussi pu débriefer les régates, apporter l’un à
l’autre un regard extérieur sur nos navigations.
Finalement, et selon les dires de mon mentor, mon coach, mon
gourou, mon moteur, ma joie de vivre et mon modèle de vie, nous nous sommes
appuyés l’un sur l’autre pour progresser. Ce petit noyau a donc germé
correctement, et le tronc commençant à être solide, ont poussé des
ramifications.
Plusieurs membres nous ont rejoint, puis un club voisin est
né. Nous avons même recruté lors du dernier Mercato.
Depuis, nous avons standardisé notre matériel, mêmes
batteries, mêmes prises, mêmes servos, mêmes radios… le tout dans une optique
d’interchangeabilité parfaite.
Voici en Bullet-point rapide, ce à quoi sert une équipe
soudée :
-
Anticiper les grands événements et mutualiser
les déplacements et logements.
-
Ne pas s’entrainer seul. Progresser sur l’eau
comme sur les réglages
-
Apporter une aide technique et/ou logistique
(commande de matériel)
-
Apporter un œil (ou plus) extérieur durant les
manches, et lors des débriefings
-
Permettre la création d’une « bulle »
lors de gros championnats (j’y reviendrai)
-
Échanger, échanger, échanger
-
Échanger, échanger, et échanger
Alors… cette fameuse « bulle ».
C’est le Nectar d’une équipe.
C’est, techniquement, avoir une zone de confort,
matérialisée le plus souvent par la zone où sont posés nos bateaux. Cette zone
est aussi psychologique. On y retourne entre chaque manche, on y retrouve son
équipe, on peut y trouver réconfort ou remontrances, et recentrer ses idées. C’est
comme un café chaud à l’abri du vent pendant une tempête de neige.
Si vous êtes observateurs (mais pas trop) vous remarquerez
ces « bulles » lors des championnats. Celle des Toulonnais, celle des
Ligériens (attention c’est une secte), celle des Bordelais, celle des Qnus (la
nôtre, la plus belle et la plus sympa, évidemment) et d’autres.
Ces bulles et leurs occupants sont souvent en dialogues
inter-bulles, certaines même ont tendance à fusionner, portées par un même état
d’esprit, ou une même appétence pour les grands crus. Mais dès lors que l’un
des membres en éprouve le besoin, la bulle se resserre. Une casse matérielle,
un coup de mou, une explication de règle, ou souvent chez nous un plomb qui
pète, l’équipe est là pour gérer la situation.
Voilà, une équipe, pour nous, c’est ça. C’est une Bulle de
confort, c’est un phare dans la tempête. Et tout cela chez nous ne serait pas
né sans mon mentor, mon coach, mon gourou, mon moteur, ma joie de vivre et mon
modèle de vie.
Sa bulle à lui...
Voilà, vous savez tout. Vous savez surtout ce que je peux
vous dire. Les rites et pratiques de notre secte équipe ne vous sont
malheureusement pas accessibles.
Certaines équipes ne sont que peu organisées, laissant trop
de libertés à leurs ouailles. Nous avons, chez les Qnus, développé un système
de grades assez complexe, mais qui permet au moins de savoir où vous en êtes.
Actuellement, voici les titres obtenus de chaque membre et leurs prérogatives
(dans la limite du secret de notre secte équipe) :
-
Laurent : Notre mentor, notre coach, notre
gourou, notre moteur, notre joie de vivre et notre modèle de vie :
o
Conduit la Qnu-Mobile, sauf au retour
o
Gère le calendrier, et l’impose à ses ouailles
o
Maitre es commandes groupées
o
Répare l’irréparable par imposition des mains
o
Possède ce que vous avez oublié.
-
Thomas : Grand chambellan Qnu:
o
Conduit la Qnu-mobile, sauf à l’aller.
o
Assistant GPS lors des trajets
o
Commet les compte-rendus des régates
o
Secrétaire d’Etat à la dénonciation Ligérienne
-
Julian : Princesse Qnu :
o
Gère les mystères informatiques
o
Adaptateur d’idées
o
Ministre des relations extra-Qnu
o
Opérations caritatives à des fins financières au
profit des Qnus
-
Jacques : Grand Cassoulet Renégat (en passe
de changer de grade)
o
Amuseur public
o
Amuseur privé
o
Grand maître du hors temps
-
Didier : Grade Secret
o
Spécialiste du départ remis (technique dite du
« hémonchrono »)
o
Grand Dahu de l’arrivée tardive sur la zone de
départ
o
Champion de l’autogestion en hébergement (grade
Escargot)
Voilà, j’espère que vous avez apprécié la visite.
A bientôt pour aborder un autre sujet, peut être ;)
Thomas, Chambellan Qnu